dimanche 8 mars 2009

Fou d'Amour

Je claquais ma porte. Je m’assis en poussant un soupir profond. Je regardais mes notes d’un air étrange. La seul chose qui rompait cette atmosphère, c’est que je tapais sur ma table sans m’en rendre compte, tout en clignant des yeux. Troubles Obsessionnels Convulsifs. Mon entretient avec Chris de Naire m’avait changé. Le contact prolongé avec ce fou taré et nerveux m’avait troublé, et il avait déteint sur moi. Je poussais un nouveau soupir et retirais ma plume de mon chapeau. J’étalais un long parchemin vierge sur ma table et allumais ma lampe. Je plongeais ma plume dans mon encrier. Une fois. Je repensais à l’horrible passé de ce prêtre. Pourquoi était-il devenu comme ça... ? Oh comme je le comprends…

« Il était unveur. Un simple berger utopiste. Il jouait de sa flûte à ses Bouftous en rêvant d’un monde lyrique. Il n’avait comme passion que de regarder les étoiles et de composer, écrire, chanter, jouer. Il était bon, simple, innocent. Un simple regard posé sur lui relevait vos sourcils et arrondissait votre œil d’apaisement. Un disciple de Féca qui n’avait jamais tenu d’arme. Il passait ses journées à regarder paître ses Bouftous d’un œil tendre tout en mâchonnant un brin d’herbe. Le soir tombé, il retournait à son village pour animer les soirées de la taverne par ses chant, musiques ou histoires. Et ces instants étaient magiques. Il avait un réel talent.

Inconscient de tout cela il préférait à toute notoriété sa simple vie, il semblait condamné à faîre paître ses Bouftous et faire partager son art au bonheur des gens qu’il aimait. Grand bien lui en aurait fait pourtant. Pauvre Durhan…


Un jour, des voyageurs arrivèrent au village. On remarquait leur noblesse à leurs atours, à leur manière d’être. Il s’arrêtèrent audit village. Ils prirent une chambre à la taverne, et se mêlèrent à la populace pour la soirée. Ils découvrirent donc le talent exceptionnel du garçon, qui était en train de devenir peu à peu un homme. De suite, ils l’abordèrent. Un tel garçon ne pouvait rester paysan toute sa vie. Ils lui firent miroiter des rêves. Non pas fortune et gloire, non, ils l’avaient bien cerné. Un « monde nouveau » disaient-ils. D’autres rêves plus beaux encore. Le jeune homme était à une époque où même le plus calme des êtres cherchait un minimum de mouvement.


Après de nombreuses discussions et argumentations, il céda avec réserve, prévenant qu’au premier faux pas, il retournerait à son village. Il rassembla ses affaires : c’est-à-dire ses rêves et sa flûte, et se prépara à partir à la cour d’Allister avec les nobles. Il fit ses adieux à sa famille, à ses proches et partit tout joyeux. Sifflotant, les yeux perdus dans le ciel, cherchant là haut l’étoile de son destin.

Après quelques jours de voyage, il arriva au château d’Amakna. Ce grand fort était sa première surprise. Il en perdit un moment le souffle. Son sourire s’élargit, pensant aux merveilles que renfermait cette citadelle. Il fut logé dans une chambre de bonne, « pour l’instant » avaient affirmé ses nouveaux amis qui l’avaient amené ici. Il avait regardé par sa fenêtre en composant ses vers et ses écrits toute la journée, et au soir un des nobles vint le chercher.


- Eh l’ami, nous avons convaincu le roi de ton talent, il veut t'entendre ce soir même, tu joueras devant toute la cour. Tu conteras quelques poèmes et joueras un peu de ta flûte en chantant.

Son cœur s’emballa, c’était sa chance qu’on lui offrait sur un plateau d’argent. Il prit parmi ses plus beaux morceaux et textes, pour ne pas mettre à mal ses compagnons et pour pouvoir accéder au nouveau monde qu’on lui avait promis…

- Durhan ! Barde, et invité de sa Majesté ! annonça le héraut lorsque les lourds et puissants battants de la porte royale s’ouvrirent.

Durhan se trouva devant une assemblée de personnes, la cour et le roi. Il n’avait jamais vu de si beaux gens, si bien habillés, si soigneux d’eux.. Il ne doutait plus de sa place, du monde où il devait être. Il avança et s’agenouilla maladroitement. On voyait
que c’était un paysan, mais le roi sourit devant cela.

- Lève-toi mon garçon, Durhan. On m’a dit grand bien de toi. Certains amis que nous avons en commun portent de grands espoirs en toi. Etant des artistes eux-même, j’attends de toi des merveilles.
Il frappa des mains et une place se fit au milieu de la salle et Durhan s’y plaça. Il était tout à fait calme, il savait que de ce moment se jouait un avenir radieux, ou revenir à son village en regrettant à vie son rêve qui était à portée de main…


Il commença à raconter certaines de ses histoires, à déclamer certaines poésies devant les yeux larmoyants ou émerveillés des courtisans. Le roi lui-même fut charmé. Il décida de prendre le jeune garçon dans sa suite. Chaque soir il devait montrer son talent, et le reste de la journée il était libre de son temps, à rêvasser, à découvrir son nouveau monde. Durhan était le plus heureux des hommes.

La précarité de son adolescence passa, le remettant à son calme habituel. Cet homme rêveur, toujours ailleurs et au talent immense, intriguait. Incernable il était. Chaque conversation était prise sur le ton de l’humour et terminait en éclat de rire chaleureux.
Il bannissait le grave et le sérieux autour de lui. On venait désormais de loin pour l’écouter, et s’il devenait célèbre malgré lui, il ne se souciait guère de l’attention qu’on lui portait. Et pourtant...

Un beau soir, alors qu’il jouait de la flûte, il parcourut son public du regard. Il trouva les anciennes têtes, comme celles des deux amis qui l’avaient conduit ici, ou bien de nouvelles, voyageurs de passage. Il termina sa musique en terminant son tour de vue. Et là, sur la dernière note, ses yeux se posèrent sur elle. Il prolongea sa note au bout de
son souffle, la dévisageant durant ce temps. Il remarqua que son regard n’était pas ignoré, puisqu’elle avait souri. Il termina sa note et les applaudissements retentirent. Elle applaudit aussi et disparut dans le mouvement de foule. Notre barde courut voir son ami et, l’attrapant par le col, il lui demanda tout excité qui était cette femme, en la
décrivant avec vénération.

-Euh… C’est la Dame Liebel. Haute naissance, elle est sous la protection d’un doyen noble. On raconte de cette disciple d’Ecaflip que la seule chose qui égale ses griffes c’est sa beauté. Les invités qui en parlaient disaient qu’il n’y avait pas plus dangereux et pourtant doux qu’elle. Durhan ? Tu n’envisages pas de...

Il était déjà parti. Il filait dans ses appartements désormais d’un luxe inutile. Sa main le démangeait, il devait libérer ce sentiment, s’il l’avait perdu de vue elle, il allait exprimer tout cela avec son talent : en vers.
Son cœur manqua un battement lorsqu’il la vit au détour d’un couloir menant à ses appartements. Accoudée à une fenêtre, elle humait l’air du dehors en fermant les yeux. Elle se retourna, et fixa Durhan. Ledit Féca n’en menait pas large. Il sentait ses jambes se dérober sous lui et il tomba à genou.


- Bonjour maître barde, dit-elle simplement.

A son oreille, sa voix était le meilleur des chants, pas une fausse note. Par cela, il se sentit dans un milieu qu’il maîtrisait plus. Il se releva et baisa sa main et s’accouda a son coté, commençant une discussion aux abords anodins. Pourtant jamais il ne s’était plus engagé; chaque parole traduisait un amour fou. Et il savait que Dame Liebel le savait. Maline, joueuse, vénale sur les bord, pourtant douce, attentionnée et vive. Durhan sentait tout cela, mais il ne voyait que ce qu’il voulait voir. Ces jeux continuèrent au fil du temps. Ils se rapprochaient, pourtant Durhan savait qu’elle était différente de lui à un trop grand point. A ses rares heures de raison il maudissait ce sentiment, tout en espérant pouvoir le changer..
Il n’était pas étonné de la voir en d’autres compagnies, il ignorait cela, heureux de ce qu’il était.
Le temps passa, sans apporter quoi que ce soit. La vie menait son cours. Durhan contentait toujours autant son protecteur, et il était heureux. Son talent ne semblait pas pouvoir cesser de croitre, mu désormais par la passion. Pourtant tout a une fin.. Un matin, le Féca écrivait d’une main tout en lisant nonchalamment son courrier. Il faut dire que ce n’était jamais très intéressant pour un rêveur, comme lui. Des invitations, des lettres de protocole ou d’admiration qui terminaient dans la cheminé. Puis soudain, il vu une enveloppe.. Rose? Il l’ouvrit, sur de qui c’était, et souriant. Jamais Durhan fut si violemment projeté contre terre, ramené aux poids de la réalité. Il avait sous les yeux un faire-part de mariage de Liebel.. Avec un je ne sais qui qu’elle avait rencontré je ne sais où. Il savait que cela devait arriver à un moment ou un autre.. Et pourtant, même sachant cela, le choc était d’une dureté… Ce qui l’acheva fut une écriture plus personnelle au bas du parchemin. Un Post Scriptum: « Désolée.. » Il serra le parchemin en une boule. Il vibrait de colère et de chagrin. Elle l’avait abandonné, trahit et en plus il était invité au mariage.. La boule s’enflamma dans sa main insensible. Il sentit des choses s’effondrer en lui. Son monde lyrique disparaissait; lui qui allait toucher une étoile trébuchait sur un fétus de paille. Et voila qu’il tombait d’aussi haut qu’il était monté. Il réussit à ne pas hurler de rage. Il prit sa plume et se laissa guider par ses émotions. Il se sentais ivre et incontrôlable. Lorsqu’il relut sa feuille il devint blême. C’était nul. Ni plus ni moins d’une médiocrité affligeante. Durhan frappa du poing sur la table en hurlant de dépit. Elle lui avait tout pris jusqu’à ses vers, et elle avait tout laissé tomber avec un mépris.. Ni talent, ni émotions, ni rêve. Il ne lui restait plus rien.. Rien sinon un grand bouillonnement. Tout ces souvenir qui ressurgissaient en lui; ces bon moments. Tout ce qu’était sa vie simple a garder des bouftous, il l’avait oublié. Tout ça elle le lui avait retiré. Elle l’avait changé. Puis laissé tomber.
-Oh que oui, je vais aller à ce mariage.. Il prépara des affaires et alla prévenir d’une absence prolongée.
-Liebel, acceptez vous de.. Chris s’interrompit dans sa phrase en voyant la porte de son église. Les battants se cognèrent contre le mur. Un grand silence se fit alors que Durhan retirait sa capuche.
-Excusez mon retard.. Ses yeux étaient sombres, et il ne se dégageait plus rien de lui. Comme si ce qu’il était n’était plus rien. Personne ne sourit en le voyant, on aurait été content de le voir s’il n’avait pas été ça. Le prêtre poursuivit son allocutions en bégayant

-… Moi père Chris, je vous unis par les liens sacré du mariage. Si quelqu’un s’oppose a cette union, qu’il parle maintenant ou se taise a jam..
-Eh bah enfin.. Durhan se leva et marcha dans l’allée d’un pas lent et mesuré

-Je m’y oppose! Le mari, un homme aristocrate fit un mouvement de la main et certains invités se levèrent. Ils se mirent dans la rangée, stoppant Durhan.
-Je m’y oppose! Répéta-t-il avant de sortir une lame de
par-dessous sa cape.
-Dans la maison de Seigneurs! Vous n’oseriez pas! Il frappa une fois devant lui. Pas besoin d’être un escrimeur pour battre des hommes désarmés. La première goutte de sang touchant le visage de Durhan chassa tout doute. Il était un monstre avec un but. Il progressait dans la rangée centrale. C’était la panique dans l’Eglise, tous fuyaient sauf le prêtre, et les mariés, étonnés et pétrifié. Durhan frappait au hasard dans la cohue des coup légers et désordonnés. A la fin ne restait que 4 personnes. Chris était le plus pale, et il murmurait des malédictions.
-Fa.. Faire couler le sang… Dans ce domaine sacré.. Durant une cérémonie.. D’amour.. Vous serez maudit! Durhan l’ignora et passa devant le mari. D’un revers de main il frappa l’homme à l’abdomen, l’allongeant. Il reportant ensuite son attentions vers Liebel. Il passa son bras par-dessus son épaule et la serra contre lui. Elle ne se débâtit pas. D’un geste rude il la repoussa vers son mari allongé. Elle s’agenouilla auprès de lui en fixant Durhan. Lequel s’était agenouillé auprès du prêtre. Il planta son épée dans le sol en gardant une main sur elle, et posa l’autre sur l’épaule du saint homme.
-Vous n’oseriez pas lever la main sur un homme saint?
-Pardonnez-moi mon père, car j’ai fauté.. Sa voie était rocailleuse, gutturale. Ses yeux étaient rouges, il n’avaient plus grand-chose d’humain. Le prêtre gémissait. Durhan posa sa lame sur sa gorge
-En silence! J’ai à parler avant de passer a l’acte..
Voyez-vous mon père, je suis tombé amoureux. Corps et âme j’ai tout donné a une personne, qui visiblement ne s’en souciait guère. Tout ce que j’étais lui appartenait. Ma vie d’antan, mes souvenirs oubliés de l’éleveur, ou le barde royal, tout a basculé et a été encore plus enfouis le jour ou je l’ai vue. Et le jour ou je l’ai perdue, toutes ces choses oubliés ont flotté devant moi, a quelques millimètre de mes mains mais trop loin pour les saisir. Je n’avais plus rien a part la frustration, la haine. Pardonnez-moi mon père, car j’ai pris le mauvais chemin. J’ai répondu au mal par le mal. Dieux merci, je n’ai tué personne, seulement blessé. » Il raconta toute son histoire, depuis le début. Le prêtre était tétanisé. Il entendait la confession d’un homme qui venait de ravager son église, blessé dans la sainte maisons des dieux.. Et il se confessait..
-Me pardonnez-vous au nom des dieux? Le prêtre craqua. Il allait se faire embrocher. Cela faisait dix bonne minute que l’acier froid était sur sa gorge qu’il entendais cette voix rauque et qu’il avait cette odeur de sang dans le nez et cette tête de démon devant les yeux. Il hurla en roulant des yeux. Durhan se leva. Il retira l’épée du cou du prêtre et la leva bien haut.
-Je m’en doutais… Puissent les dieux avoir pitié de mon âme eux..
Il se tourna vers son aimée et dit d’une voie sarcastique.
-Fou d’amour.. Il baissa sa lame et sentit l’acier froid pénétrer son corps. Il s’affaissa dans les bras du prêtre qui poussa un cri avant de fuir à toutes jambes loin de là. Le pauvre devint fou et complètement misanthrope, une boule de nerfs qui ne supporte plus les hommes. Ici donc s’achève le récit qu’il m’a raconté. Nul ne sait ce qu’il advint du corps de Durhan, ni de Liebel et de son fiancé…
Ma Muse et moi-même vous saluons bien bas Tiberion»

Je fis un dernier point a mon histoire et soupirais. Je m’allongeais sur mon fauteuil en me relisant, puis je roulais mon écrit. Je fis fondre un cachet de cire et en imposait quelques goutte sur mon parchemin. Je regardais un court instant la cire chauffé, avant de voir avec étonnement une larme s’écrasée dessus. J’apposais vite mon sceau pour que cela ne refroidisse pas trop, puis envoyais le parchemin a qui de droit par corbac. Je soupirais une dernière fois et allais me coucher, les idées sombres
.

2 commentaires:

La Muse a dit…

Je te préfère en Crâ.. Et je ne suis pas si veinale que ça.

Pandryhan, barde a dit…

Très joli conte !