lundi 16 novembre 2009

La Porte

Voici le début d'une trilogie, car c'est bien connu, tout est mieux par lot de 3! Jean Reveu vous sert une histoire digne d'Halouine.

Chapitre 1

J’ai 9 ans.

Je vis chez mes parents que j’adore. Je suis fille unique, choyée mais pas gâtée. Nous habitons une petite maisonnette, coquettement meublée, entourée d’un jardin dont je prends minutieusement soin, ce qui me vaut de tâcher ou déchirer tous mes vêtements à une allure folle.

J’allais au Temple apprendre mes leçons, mais n’étais pas particulièrement assidue aux cours dispensés. Je passais mes heures assises, ou plutôt emprisonnée, à imaginer des histoires, à voyager… je laissais mon esprit vagabonder sans aucune pudeur. Bien entendu, les punitions pleuvaient, mais qu’importe, j’avais passé une bonne journée.

Rien ne peut nous arriver.
Mes parents sont jeunes et en bonne santé. Nous ne sommes ni riches ni pauvres, et mon père, engagé dans la milice, est quasi certain de ne pas perdre son emploi.

Pourtant je sens mes parents soucieux depuis quelques temps. Ils s’agitent, envoient des messages un peu partout, mais à qui, je ne le sais pas. Ils me parlent de mon avenir, m’instruisent sur les questions d’argent – faire attention, économiser, ne pas faire confiance à n’importe qui-. Mais même si cela peut paraitre tout à fait normal, je trouve leur insistance oppressante. J’ai l’impression qu’ils « règlent » des affaires… comme si l’on devait partir…

Je n’ai que 9 ans, mais ces choses là, je les ressens. J’ai tellement l’habitude que mon monde tourne sans heurts, qu’à la moindre accroche, je m’imagine tout un tas de choses catastrophiques.

Il faut vraiment que j’en ai le cœur net. Je suis pressée de savoir à quoi est due toute cette agitation. L’hypothèse d’un déménagement me fait peur, je ne veux pas perdre mes amis, ni ma petite maison que j’aime tant, ni mon petit jardin chéri.
Lorsque je leur pose la question, mes parents sont visiblement surpris. Les adultes ont souvent tendance à penser que les enfants ne ressentent rien, alors que c’est tout le contraire. Notre esprit se focalise sur la moindre ombre pouvant altérer une vie faite de bonheur et d’amour.

Après la surprise vient l’explication. Je suis visiblement assez grande pour comprendre, et quoiqu’il en soit il faut me préparer.

Nous partons en effet.

Loin, oui, probablement. Reviendrons-nous ici ? Moi peut-être, mes parents non, et c’était une chose apparemment acquise. Il y avait –il une raison particulière à ce déménagement ? Là par contre, rien, silence... pas de réponse... Je ne sais pas si c’est mon père ou ma mère qui avait murmuré un « c’est comme ça, on n’y peut rien ».

Bon, puisqu’apparemment les pleurs, cris, négociations sont impossibles, je ferai mes adieux à mes amis et je suivrai mes parents dans une nouvelle vie…
Mince, je n’aurais même pas une petite boîte de bonbons pour me consoler pour la peine ! Pourtant, d’habitude mes pleurs fonctionnaient, et d’ailleurs mes dents cariées ne me remerciaient pas.

Tant pis, je ne dois pas être la seule à le vivre après tout… Un déménagement, ce n’est pas si grave au fond. Et puis des amis, on s’en fait partout non ?

Quelques jours plus tard mes parents emballent les affaires. Je les aide, et nous transformons d’ailleurs cela en jeu. Le but : jeter un maximum de choses inutiles. Je balance tout à la poubelle ou au feu, et cela m’amuse beaucoup ! Finalement, tout ne va pas si mal.

Voila c’est le grand soir.

Je sens mes parents particulièrement… tendus ? Non, tristes. Oui c’est ça, tristes.
Mon père, pourtant vigoureux, se déplace lentement, tête inclinée, les yeux cernés. Ma mère pleure à chaudes larmes. Je sens que c’est à mon tour de les consoler cette fois, car pour moi, ce déménagement est devenu une curiosité…
Je suis excitée à l’idée de connaitre ma future maison, mon nouveau mode de vie. Alors je prends mes parents dans mes bras et les rassure : « on va être heureux dans notre nouvelle maison, elle sera super, et moi j’aurai des nouveaux amis, je n’ai plus peur ! ». Ma mère me regarde, me sourit tristement, me prend dans ses bras, et me répond : « non il ne faut pas avoir peur. C’est comme ça, on y peut rien, la vie continue… ».
Bizarre ces adultes qui pleurent, alors qu’eux même m’ont convaincue que tout finirait par redevenir presque comme avant.

Après le repas, nous nous asseyons.
Curieux détail, on devrait s’agiter, courir partout, emballer les dernières affaires.
Mais non, nous nous asseyons et attendons… les déménageurs ?

Un grattement à la porte.

Puis un bruit sourd, suivi à nouveau d’un grattement.

Ma mère hoquette, mon père tend ses muscles, comme s’il tendait un arc prêt à décocher une flèche.
Les déménageurs arrivent, ça y est ! Moi je suis muette d’excitation, les yeux écarquillés vers la porte.

La porte s’ouvre.

Un halo de lumière se forme et m’éblouie totalement.

Je frotte mes yeux, mais continue à regarder en direction du bruit. Au fur et à mesure que mes yeux s’accoutument à cette soudaine clarté, j’entrevois une forme blanche, encapuchonnée. Cette forme est plutôt grande, très grande même, immobile.

Elle reste sur le pas de la porte.

Elle tend le bras vers nous.

Je commence à la distinguer. Bizarre, on dirait un homme tout maigre. Ah dit donc oui, à bien regarder, quelle maigreur ! Peut-être n’a-t-il plus sa mère pour lui faire le fameux steack de dragodinde à sauce grasse. Bon et c’est ça qui va nous aider à déménager ? Et pourquoi cet accoutrement ? Ben c’est pas gagné en tout cas ! Là je suis un peu déçue quand même.

Mes parents se lèvent alors. Je fais de même. Me mère me regarde, éclate en sanglots et me murmure des mots que je ne comprends pas. Elle pleurait si fort, que ses phrases devenaient inaudibles. Bah maman, allez, certes nous quittons la maison, mais je viens de t’expliquer que ce n’est pas si grave !
Mon père s’approche de moi et m’embrasse tendrement. Ce fut un peu différent pour lui, je saisis une phrase : « ta tante va arriver ». C’est tout. Hihi ma tante, elle est costaud comme un homme, pas étonnant qu’il ait fait appel sa force.

Ils se dirigent vers la forme. Je fais de même.

Ils arrivent à la hauteur de la forme.

Elle tend une main vers moi pour m’arrêter. Bizarre, je me sens figée. Oui tiens, je n’arrive plus à bouger. Mais … Hé ho, je n’arrive plus à parler non plus !!

Papa, maman, que se passe t-il, je ne peux plus rien faire !!

Mes parents me regardent, et cette fois un sentiment de terreur glace mon sang… je suffoque.. Papa, maman, qu’il y a-t-il ? C’est quoi cette forme ?

Elle attrape leur main…

Je veux bouger, vous m’entendez ! Laissez –moi bouger ! Hé on pourrait me répondre ou faire quelque chose là ?

Le halo de lumière s’intensifie.

Aie, fermer mes yeux, ça fait mal ! Mais je ne peux pas les fermer, je suis paralysée. Zut, que ça cesse cette comédie, j’en ai assez ! Si nous devons déménager, faisons-le et finissons-en…

Mes parents tournent la tête vers moi et me murmurent quelque chose que je ne distingue pas.

Quoi ? Qu’est-ce que vous dites, je ne comprends rien !

Le halo de lumière disparait brutalement, la porte se referme violemment.

Ah ! Tiens je peux bouger maintenant, ouf !!

Hé ben, quel merdier ! Maman, c’était qui ce type maigre au fait ?

Pas de réponse.

Je regarde autour de moi.

Je suis seule…

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